Par un important arrêt, la Cour de Justice de l’Union européenne (Aff. C-553/11, 25 oct. 2012 Rintisch) vient mettre un terme au débat qui perdurait depuis de nombreuses années : le fait que l’opérateur ait choisi ou non d’enregistrer la marque initiale sous sa forme modifiée ne doit pas être pris en considération. Seule importe la question de savoir si la forme sous laquelle la marque est utilisée altère ou non le caractère distinctif de la marque première attaquée en déchéance pour défaut d’usage.
La Cour précise que cette interprétation des textes n’est pas contraire à sa jurisprudence antérieure. Ainsi, si le titulaire décline sa marque autour d’un élément commun et invoque à l’encontre d’un tiers sa « famille » de marques, il lui appartient de prouver que ses marques seront bien perçues par le consommateur comme une série de marques, pour que la reprise de l’élément commun par un tiers soit susceptible de créer un risque de confusion aux yeux du public. Il lui faudra en conséquence démontrer l’usage de chaque marque ou au moins d’un nombre suffisant de marques invoquées, telles qu’enregistrées, pour se prévaloir de la protection élargie revendiquée (Aff. C-234/06, 13 sept. 2007, Bainbridge).
Source :
Défense d’une marque utilisée sous une forme modifiée. Par Agnès Doyen, Juriste. – Village de la Justice, LA communauté des avocats, juristes, fiscalistes, notaires, huissiers, paralegals…
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(NDLR voir aussi : Diffusion de jurisprudence, doctrine et communications de la cours de cassation N° 723 de Juin 2010 )
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Comme le souligne le professeur Pollaud-Dullian, ces divergences de jurisprudence suscitent l’interrogation
suivante : « pourquoi celui qui exploite une forme légèrement modifiée de sa marque fait-il échapper cette
dernière à la déchéance lorsque ce signe n’est pas lui-même enregistré comme marque et pas lorsqu’il est
enregistré distinctement ? »Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) et la CJCE ont eu, eux aussi,
à se prononcer sur la question. Dans des arrêts en date du 23 février 2006 et du 13 septembre 2007,
les deux juridictions ont repris le raisonnement de l’assemblée plénière de la Cour de cassation. La CJCE
estime « qu’en tout état de cause, si les dispositions [de l’article 15 §1 du Règlement 40/94] permettent de
considérer une marque enregistrée comme utilisée dès lors qu’est rapportée la preuve de l’usage de cette
marque sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée, elles ne permettent
pas d’étendre, par la preuve de son usage, la protection dont bénéficie une marque enregistrée à une autre
marque enregistrée, dont l’usage n’a pas été démontré, au motif que cette dernière ne serait qu’une légère
variante de la première ».Par la suite, la cour d’appel de Paris a fait application de la jurisprudence communautaire dans plusieurs
arrêts. La cour ajoute que la société titulaire des marques « doit démontrer (…) la preuve d’un usage
sérieux pour chacune des marques dont la déchéance est demandée ». Il convient de noter que la Cour de
cassation n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer de nouveau sur la question.La déchéance n’est pas seulement encourue dans l’hypothèse de la non-exploitation d’une marque.
Au contraire, parfois, le risque de déchéance est lié à l’exploitation du signe, qui peut alors dégénérer (II).