Jean-Pierre Cloutier : Le blogue: Hommes et femmes sur Internet : tout en nuance
Hommes et femmes sur Internet : tout en nuance
(format PDF), nous éclaire sur certaines différences entre les sexes
relatives à l’utilisation du réseau. Les chercheurs précisent qu’en
vertu de la méthodologie retenue, la marge d’erreur pourrait se situer
à plus ou moins 2,2 %. Et c’est bien de le préciser car en prenant
connaissance des résultats on constate à maints égards des similitudes
entre l’utilisation d’Internet par les hommes et par les femmes. Par
ailleurs, sur certains points, les différences sont marquées. Autre
précision, l’étude a été menée aux états-Unis, et des résultats
différents pourraient être constatés ailleurs dans le monde.
Mais
avant de traiter de l’étude du Pew, je vous propose un bref historique
de l’évolution du ratio hommes/femmes sur Internet, un sujet qui m’a
toujours intéressé.
De janvier 1994 à octobre 1998, le Graphic, Visualization, and Usability Center
(GVU) du Georgia Institute of Technology a constitué la source première
de renseignements sur les utilisateurs d’Internet, leurs comportements,
leurs habitudes, leur répartition démographique. à€ cet égard, le GVU a
été précurseur dans l’étude de l’équilibre des sexes sur Internet.
En décembre 1995,
je rapportais les résultats du quatrième sondage GVU et j’écrivais :
«Tendance prévue et annoncée depuis les derniers sondages, les femmes
représentent maintenant 29,3 % de la population de Cybérie (aux
états-Unis, ce pourcentage est de 32,5 % alors qu’il n’est que de
10,5 % en Europe). Comme nous l’avons déjà souligné, l’équilibre des
sexes sur l’Internet est prévu par les spécialistes en démographie Web
pour le premier trimestre de 1997.»
Cette prévision des sondeurs ne s’est toutefois pas concrétisée. Un an plus tard,
force était de constater que «le GVU avait prévu l’équilibre des sexes
sur Internet (ratio hommes/femmes) pour le premier trimestre de 1997.
Il n’en sera rien : la clientèle serait composée à 68,6 % d’hommes et
31,4 % de femmes. Bien qu’il ait été de 95/5 en janvier 1994 et
de 82/18 en janvier 1995, les chiffres de décembre 1996 ne semblent pas
poindre vers un ratio 50/50 avant encore plusieurs mois.»
En juillet 1998,
il fallait de nouveau refaire et nuancer les calculs, «les femmes
représenteraient maintenant 38,7 % de l’ensemble des répondants, une
infime hausse de 0,2 % en six mois. On note cependant en Europe un
écart plus prononcé alors que les femmes ne représenteraient que
16,3 % des répondants, chiffre un peu plus élevé à 30,5 % au Canada et
en Australie. Souvent une question d’âcge, dans le créneau des 11/20
ans, le pourcentage de répondantes est de 43,8 % et de seulement 33,9 %
chez les 50 ans et plus. Les auteurs voient néanmoins pour la première
fois depuis 1994 une catégorie à prédominance féminine, soit celle des
personnes branchées depuis moins d’un an (51,7 % de femmes,
48,3 % d’hommes). L’accord en genre et en nombre tarde donc, mais on y
arrive.»
En fait, puisque le GVU a cessé ses enquêtes en 1998,
ses chercheurs n’auront jamais pu voir se réaliser l’équilibre des
sexes sur Internet que l’on aurait atteint en 1999. En janvier 2000,
citant les bilans de Nielsen Media Research et NetRatings Inc. pour
l’année 1999, j’écrivais : «S’il y a maintenant autant de femmes que
d’hommes ayant accès à Internet, c’est que la croissance de la
clientèle féminine du réseau a été de 32 % au cours de la dernière
année, et seulement de 20 % pour la clientèle masculine. L’égalité des
sexes sur Internet est aussi confirmée par le cabinet de recherche
AdRelevance qui, lui aussi, estime que le taux de croissance de la
clientèle féminine du réseau est supérieur à celui de la clientèle
masculine, de sorte qu’au cours de la prochaine année il y aura
davantage de femmes que d’hommes branchés à Internet (du moins aux
états-Unis).»
L’importance de l’utilisation d’Internet par les
femmes était à l’époque évidente pour les tenants du marketing
électronique, «La raison en est bien simple : les femmes détiennent
75 % du pouvoir d’achat des ménages, participent à 80 % des décisions
d’achats de biens durables ou autres. S’il reste encore bien du chemin
à accomplir, les femmes américaines ont néanmoins rétréci l’écart
salarial qui les séparait des hommes. Les filles abandonnent moins
leurs études que les garçons, ce qui les prépare mieux à des carrières
plus rémunératrices. Bref, l’ensemble de ces facteurs contribue à faire
des femmes un groupe à cibler pour le commerce électronique.»
Revenons
donc aux différences entre hommes et femmes sur leur utilisation
d’Internet, du moins sur quelques points de l’étude qui nous ont semblé
significatifs. Le Pew a compilé certaines tendances observées entre
mars 2000 et septembre 2005 pour brosser un tableau représentatif de
ces différences.
Les jeunes femmes (créneau des 18/29 ans) sont
davantage susceptibles que les jeunes hommes d’utiliser Internet (86 et
80 % respectivement), mais inversement chez les plus de 65 ans, on
trouve davantage d’hommes (ratio 34/21). Les femmes de race noire
utilisent davantage le réseau que les hommes de même race (ratio
60/50). Puis, dans les ménages dont le revenu se situe entre 30 000 et
50 000 dollars, on trouve 76 % de femmes et 66 % d’hommes qui utilisent
le réseau.
Pour bon nombre de points étudiés, les écarts
statistiques sont minimes, inférieurs mêmes à la marge d’erreur assumée
par les chercheurs, soit plus ou moins 2,2 %. S’il y a une catégorie
d’utilisation o๠se démarquent les femmes, c’est dans les applications
«relationnelles» d’Internet, notamment le courriel auquel un bonne
partie de l’étude est consacrée.
Si 88 % des hommes disent
utiliser le courriel, cette proportion passe à 94 % pour les femmes. à€
savoir quelle technologie elles auraient de la difficulté à délaisser,
38 % citent le courriel (30 % chez les hommes). Elles l’utilisent pour
communiquer avec des membres de leurs familles pour avoir des nouvelles
de leurs proches à 86 % (80 % pour les hommes), d’autres
nouvelles (ratio 87/76), échanger des blagues (84/77), chercher
conseil (61/50), partager des préoccupations (57/30), discuter de la
guerre en Irak (18/11).
Au travail, les femmes utilisent le
courriel plus que les hommes pour poser des questions (39/32),
considèrent qu’il favorise le travail d’équipe (31/26), et qu’il est
une occasion de répit (17/12).
Les chercheurs notent cependant
qu’une application relationnelle a connu une baisse sensible depuis
quelques années en raison de la désaffection des femmes, soit le
clavardage et les groupes de discussion. En 2000, 28 % des utilisateurs
s’y adonnaient, ils ne sont plus que 17 % en 2005, et cette baisse est
entièrement attribuable à la chute de participation des femmes dans ce
genre d’activité. «L’affaissement constaté depuis quelques années
coà¯ncide avec une plus grande prise de conscience et une
sensibilisation accrue à certains comportements préoccupants
[Ndb. sous-entendu de la part des hommes] dans ces espaces d’échange»
écrivent les auteurs du rapport.
Si elle ne comporte pas de
révélations fracassantes sur les différences entre hommes et femmes
quant à leur utilisation d’Internet, cette étude du Pew révèle tout de
même des nuances significatives sur l’appropriation des outils réseaux.
Publié par Jean-Pierre à 12:22 PM