Vtech (source)
La situation de l’intelligence économique en France est assez paradoxale. Interview avec Gilles Balmisse (KnowledgeConsult)
Voici l’intervention de Gilles Balmisse, Directeur Associé de
KnowledgeConsult, que je remercie pour avoir accepter de conduire cette
interview par mail.
- Une présentation comme d’habitude
Je suis Directeur Associé de KnowledgeConsult, un cabinet de
conseil spécialisé dans la mise en Å“uvre du management des connaissances et de
la veille. A côté de cette activité de conseil, j’enseigne dans divers
établissements en France et en Suisse (écoles d’ingénieurs, écoles de
management, universités…) et je participe régulièrement à plusieurs
publications.
Avant de fonder KnowledgeConsult en mars 2003, j’ai
travaillé dans des départements R&D de grands groupes bancaires au sein
desquels j’ai notamment participé à la mise en Å“uvre de systèmes de knowledge
management, de travail collaboratif et de veille.
- Parlons un peu de votre expérience de blogueur : votre
blog, les retours; les avantages, les inconvénients,
J’ai débuté mon blog il y a maintenant un an dans le but de
fournir des informations complémentaires aux lecteurs de mes 2 ouvrages sur les
outils du KM.
Ces quelques mois de bloggueur m’ont permis de mesurer à
quel point le blog était un outil de communication et de mise en relation
puissant. Par son biais, j’ai noué, à mon grand étonnement, beaucoup plus de
contacts professionnels intéressants qu’au travers de l’utilisation de sites de
social networking comme Viaduc ou 6nergies. Ceci étant, il faut tout de même
nuancer ces propos dans la mesure o๠je ne suis pas un membre très actif de ces
réseaux !
Par ailleurs, j’ai également été très étonné par les modes
de communications et d’interactions avec les visiteurs de mon blog. Très peu
d’entre eux commentent mes billets par contre je suis très souvent sollicité
par email pour avoir des compléments d’informations.
Tout ceci vient peut être du fait que le contenu du blog
étant très spécialisé, la cible de mes lecteurs est d’autant plus restreinte et
donc déjà sensibilisée à ces sujets. De plus, j’emploie un ton plus
« institutionnel » que « personnel », ce qui limite
probablement l’envie des visiteurs d’échanger de manière ouverte et publique
directement sur le blog !
En ce début 2006, j’ai décidé de changer d’orientation pour
mon blog. Comme je communique beaucoup par ailleurs, notamment au travers de
publications régulières dans la presse, je vais prochainement me servir de mon
blog comme d’un CV dynamique, présentant mes diverses activités ainsi que mes publications,
mes différentes interventions et mes travaux en cours.
- Votre avis sur l’état de l’intelligence économique en
France (forces, faiblesses…)
La situation de l’intelligence économique en France est
assez paradoxale. On communique beaucoup à son propos alors que le marché reste
encore relativement étroit, moins de 150 M€ en 2003* ! KnowledgeConsult a d’ailleurs communiqué avec Datops sur ce
même thème début 2005 (la note d’étude est téléchargeable gratuitement sur
notre site web : www.knowledgeconsult.com).
L’une des conséquences de cet écart entre couverture
médiatique et réalité terrain que je trouve personnellement très regrettable,
c’est le nombre de formations existantes dans le domaine pour les si faibles
débouchés ! Beaucoup trop d’étudiants se retrouvent diplômés dans une
discipline qu’ils auront par la suite beaucoup de mal à pratiquer du fait du
nombre limité de postes disponibles.
* Nous avons récemment eu l’occasion chez KnowledgeConsult
d’évaluer la taille du marché des logiciels dédiés à la veille et nous sommes
arriver à une fourchette allant de 25 à 40 millions d’euros, ce qui est très
peu !
- En tant que consultant, quelles solutions préconisez vous
pour les PME, ces structures à faible assise financière, vision courte, effectifs
réduits…
Il est très difficile de répondre à votre question en
quelques lignes. Derrière le terme PME se cache une trop grande diversité
d’entreprises pour pouvoir donner une réponse unique. Ceci étant, la plupart des PME qui se lancent dans une démarche
de veille ont en commun un certain nombre de caractéristiques : elles se
positionnent sur un marché de niche fortement concurrentiel, très dynamique et
surtout mondial. Du moins, c’est avec ce profil de PME que nous avons eu
l’occasion de travailler chez KnowledgeConsult.
En ce qui concerne les solutions logicielles complètes, les
progiciels dédiés de veille bien connus (ceux par exemple des éditeurs Albert,
Digimind, Arisem, Iscope, KB Crawl, Altercept…) peuvent être utilisés notamment
sous la forme d’un abonnement à leur offre ASP.
Cependant, il est important de noter qu’il existe des
solutions logicielles conçues spécifiquement pour des PME et bien adaptées à
leurs exigences, notamment en termes fonctionnels et financiers. On peut par
exemple citer Spyonis qui est une solution logicielle qui a été développée par
une PME, Automa-tech*, pour ses propres besoins de veille et qui commercialise
maintenant ce logiciel.
* je présente plus précisément cette expérience un peu plus
bas dans l’interview.
- Les choix du « tout technologique » sont ils
vraiment adaptés au contexte français (l’achat de solutions clés en main…) au
lieu de travailler beaucoup plus le côté relationnel et humain
De part ma formation d’ingénieur et mon parcours
professionnel, j’ai une appétence particulière pour les aspects informatiques.
Toutefois, je suis loin d’être un fervent partisan du « tout
technologique ».
Tout d’abord parce que le « tout technologique »
en matière de veille est impossible ! Les outils ne peuvent pas remplacer
les compétences et l’expertise humaine notamment pour les activités
« sensibles » que sont le sourcing, l’analyse et l’interprétation de
l’information. Les technologies sont là pour assister mais certainement pas
pour remplacer l’individu.
Ensuite parce qu’une bonne partie des informations
à valeur
ajoutée sont glanées de manière informelle lors d’échanges entre
individus. Et ceci est valable dans n’importe quel contexte, français
ou non.
- Une grande majorité d’entreprises cherchent l’information
à l’extérieur de leurs bureaux, alors qu’ils aurainet pu gagner du temps et de
l’argent en exploitant leurs sources internes : qu’en pensez vous?
Il est vrai que l’activité de veille amène bien souvent à
rechercher et analyser de l’information sur un sujet qui a par ailleurs été
traité quelque part ailleurs dans l’entreprise. Ceci est d’autant plus vrai que
l’entreprise est un grand groupe ! J’ai moi-même été confronté à ce type
de situation à maintes reprises lorsque je réalisais une veille technologique
quotidienne chez Paribas.
Mais cette problématique dépasse largement le cadre de la
veille. On touche là à une problématique plus large d’accès à l’information,
que cette information soit interne ou externe. Malheureusement, cette problématique d’accès à l’information
n’a pas de solution simple. Il ne suffit pas de mettre en place un
logiciel de « dernière
génération » pour que tous les problèmes soient résolus.
Un travail important doit être réalisé en amont sur
l’information elle-même, son identification et son référencement. La qualité de
l’information est un pré-requis indispensable : il ne peut y avoir d’accès
à l’information performant sans une maîtrise de la qualité de l’information
mise à disposition.
Enfin, des pré-requis en matière de sécurité et de
confidentialité des informations sont indispensables. Malheureusement, force
est de constater que ces pré-requis ne sont pas toujours respectés !
Je travaille actuellement pour un grand groupe sur cette
problématique. Nous y abordons l’accès à l’information comme un service
personnalisé en fonction des différents profils : du collaborateur à la
recherche d’une information sur l’Intranet à un veilleur professionnel en quête
d’informations précises sur des sujets pointus, en passant par les responsables
de contenus en quête de valorisation de l’information. L’utilisateur n’a que
faire des outils, de leurs contraintes et de leurs limitations, ce qu’il veut,
c’est obtenir une information fiable et directement exploitable !
L’accès à l’information n’est pas un problème simple. Il
aborde différents aspects, de la veille au management des connaissances en
passant par la localisation d’expertise, et c’est la raison pour laquelle
c’est un sujet passionnant qui attire toute mon attention à l’heure
actuelle.
- Quelques cas de success-story d’entreprises ayant adopté
une démarche de veille, et d’autres qui ont été « effacées de la
carte » parce qu’elles n’ont pas gardé l’oeil ouvert !
Les entreprises que nous avons jusqu’à présent accompagnées
dans la mise en place d’une démarche de veille n’ont pas voulu communiquer pour
des raisons de confidentialité. Et force est de constater que cette position
est fréquente dans ce domaine.
Ceci étant, au-delà des cas bien connus d’entreprises qui
communiquent volontiers au grand public sur la manière dont il gère la veille
au sein de leur organisation (par exemple BNPParibas, Total, Rhodia…), je
peux plus précisément vous parler de deux cas d’entreprises, un grand groupe
international et une PME. Nous allons publier de manière plus détaillée ces cas
dans les prochains numéros de notre lettre d’information, KnowledgeNews.
Bostik
Issue de la fusion en 2001 des deux filiales de
la division Adhésifs
de Total avec celle d’ELF, Bostik SA est un acteur mondial leader de l’industrie
des mastics, colles et adhésifs : 1,2 Milliards d’euros de
CA pour 4000 collaborateurs présents dans 45 pays et 48 usines dans le monde.
La veille économique
et technique existe depuis 2002 chez Bostik. Réalisée à partir de
CD-ROM de
bases de données spécifiques sur l’industrie des adhésifs et diffusée à
travers
des mails hebdomadaires auprès des principaux managers, cette veille
manuelle
avait pour défaut principal de partir de documents datant de plus d’un
mois. Pour pallier ce problème, il a été décidé en 2004 de mettre
en place une veille concurrentielle, économique et technique
systématique avec
pour objectif de diffuser ces informations à l’ensemble des cadres du
groupe
dans le monde.
La stratégie suivie par Bostik a été de trouver des solutions
simples et évolutives qui ne seraient pas bloquantes pour l’avenir.
Outre la définition et la mise en place d’un processus de
veille spécifique, Bostik a sélectionné les outils MatheoPatent de IMCS pour la
veille brevets et KB Crawl de Bea-Conseil pour la veille sur les actualités et la documentation
scientifique. Cette démarche a permis de mettre en place une veille dont
les résultats pertinents permettent aux différents managers de connaître
l’évolution de la concurrence et des marchés.
Par ailleurs, concernant les acheteurs, la veille mise en
place a permis de trouver des nouveaux fournisseurs, dans des régions peu
connues comme l’Asie et des nouveaux produits intéressants. Elle leur permet
aussi de suivre l’évolution future des tonnages (nouvelles installations). Enfin,
dans les marchés déjà bien suivis, les responsables marketing ont maintenant
une vision immédiate de l’évolution de leurs marchés.
Automa-tech
Spécialisée dans l’imagerie pour les circuits imprimés
Automa-tech regroupe 135 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 16
millions d’euros en 2004. Automa-tech est une des premières PME en France à avoir
investi dans l’intelligence économique du fait de son secteur d’activité. En
effet, le domaine de l’électronique est un des plus exposés à la concurrence
internationale et aux évolutions technologiques rapides.
La mise en place de la veille stratégique s’est dans
un premier temps inscrite dans une démarche de sensibilisation et de lutte
contre la contrefaçon.
Puis, au début de l’année 2000, cette première approche a
été complétée par la création d’un poste et l’embauche d’un spécialiste de
l’intelligence économique qui s’est alors engagé dans une recherche sur la mise
en place d’outils d’intelligence compétitive au sein des entreprises en prenant
Automa-tech pour terrain d’application. Depuis près de 10 ans, les opérations de sensibilisation
puis la cellule de veille stratégique, ont su rendre indispensables la veille
chez Automa-tech. Elles ont donné la preuve des bénéfices qu’elles apportaient
à performance de l’entreprise en concourant notamment à l’amélioration globale
des prestations commerciales : meilleure crédibilité chez les clients,
décisions et réactions mieux fondées donc plus performantes, image de la
société renforcée.
De plus, après plus de quatre ans de développement et
d’utilisation d’un logiciel de veille dédié, Automa-tech entend maintenant en
faire profiter d’autres PME en le commercialisant sous le nom de
« Spyonis ».
- Un dernier mot 😉
Je profite de l’occasion pour vous souhaiter à toutes et à
tous une excellente nouvelle année pleine de projets veille réussis !