Le podcast, Objet Virtuel juridiquement Non Identifié ?
JURIDIQUE
PAR ERIC BARBRY
Le podcast, Objet Virtuel juridiquement Non Identifié ?
Le podcasting, en tant que nouveau mode de diffusion de contenus, soulève des questions de droit auxquelles la jurisprudence ne fournit pas encore de réponses. Diffuseurs, éditeurs et utilisateurs sont concernés. (03/01/2006)Avocat à la Cour, Directeur du pôle « communications électroniques »
Alain Bensoussan Avocats
Le site
Alain-bensoussan.com
Ecrire à Eric BarbryVous avez raté le gagnant de la Star’Ac 2005 ? Vous êtes accro à l’info mais ne pouvez l’écouter que dans le métro ? Pas de panique, les podcasts sont là . Et il ne fait aucun doute qu’ils connaîtront le même succès que les blogs.
Le développement de ces derniers témoigne d’ailleurs de ce que le besoin de communiquer, de s’exprimer, de partager ses goà»ts, ses émotions ou ses coups de gueule est une lame de fond qui transcende jusqu’aux plus timides. Si l’on ajoute à cet engouement le son et la vidéo… la lame de fond se transformera en raz-de-marée.
Réduire cependant les podcasts aux blogs serait une erreur, car en réalité beaucoup d’éditeurs et de médias classiques utilisent déjà cette technologie avec succès, notamment les radios d’information.
Le podcast est un « système de diffusion et d’agrégation de contenus audio destinés aux baladeurs, tels que l’iPod. Développé par Adam Curry en 2004, le podcasting utilise le format de syndication de contenus RSS 2.0, pour rendre les compilations disponibles aux abonnés, de la même manière que l’on s’abonne à un flux de nouvelles. Le programme qui capture le flux audio et se synchronise avec le diffuseur est appelé un podcatcher » (définition du JDN).
C’est tout un environnement qui se crée aujourd’hui autour des podcasts, avec les éditeurs de services en ligne dédiés aux podcasts, les annuaires de podcasts, et les éditeurs de logiciels et les fabricants de hardware permettant pour les uns d’enregistrer et de poster des billets, et pour les autres de les télécharger et de les écouter en mode nomade.
Bien que les juges n’aient pas encore eu à se prononcer sur ce nouveau mode de diffusion, le podcast n’échappera pas au droit et plusieurs points devront être abordés :
Côté diffuseurs :
– l’enregistrement ne pose de pas de problème majeur… sauf si l’on réutilise des éléments protégés préexistants (musique, son, émission audio…). On voit bien poindre ici l’éternelle fausse exception de la courte citation qui, pour être valable, doit non seulement être courte mais aussi être intégrée dans une Å“uvre nouvelle et justifiée pour des raisons de polémique, critiques, etc. Un nouveau marché devrait se créer rapidement autour des fonds sonores pour podcast ;
– attention aux écarts de même nature que ceux rencontrés sur les blogs : diffamation, injures, violation du droit à l’image sont autant de fautes qui seront aussi malheureusement à traquer dans les podcasts ;
– le droit à être protégé, c’est à dire le droit de définir les conditions d’utilisation, de téléchargement et d’écoute des contenus de type podcast, devra être précisé. Car le contenu du podcast lui-même, qu’il soit ou non éligible au titre du droit d’auteur, sera à n’en pas douter la « propriété » de son créateur. La plupart des services professionnels qui proposent des contenus de type podcasts diffusent d’ailleurs en ligne des « conditions d’utilisation » (l’offre Podcast d’Europe 1 par exemple) ;
Côté services en ligne :
– pour les services en ligne spécialisés, comme par exemple les annuaires, se posera l’éternelle question de leur responsabilité en qualité de « pointeur », d’une part, et de leur droit à intégrer tel podcast et pas tel autre, d’autre part. Mais sur ce point, tant que la problématique des outils de recherche sur Internet ne sera pas réglée, la question sera récurrente quelle que soit la technologie en cause ;
Côté utilisateurs :
– il est clair qu’il appartiendra à l’utilisateur de respecter le contenu lui-même, qu’il existe ou non des conditions d’utilisation, et s’il en existe de les respecter à la lettre car gratuité ne rime pas avec liberté ;
– enfin, le droit mais aussi l’obligation de télécharger des logiciels spécifiques implique de respecter, là encore, les licences d’utilisation.
Nul doute que ces premières réflexions en appelleront d’autres car l’ère du podcast vient seulement de commencer, et il se murmure que la Sacem se penche sur ce sujet, considéré comme une nouvelle source de revenus.